Maisons patrimoniales à géométrie variable

Après 3 ans de retour à la vie de notre corporation, le bilan est assez gris pour que nous soyons devant la nécessité de nous poser quelques questions fondamentales. En tout premier lieu, les maisons patrimoniales ont- elles toujours la cote? Quels sont les modes de fonctionnement et de financement des autres maisons patrimoniales comparables à la MMB? Et même, en fait, est-ce que la MMB se qualifie pour être considérée maison patrimoniale?

Un petit tour d’horizon rapide suffit à nous faire prendre conscience de ce que nous savons déjà, à savoir qu’il n’y a que fort peu de modèles vraiment comparables à notre situation, soit une maison privée qui cherche à être soutenu par le public.

Certaines maisons patrimoniales parmi les plus connues sont la propriété de gouvernement, principalement les villes et municipalités. Ainsi, la ville de Québec possède un réseau de 11 maisons, qui sont gérées par la ville elle-même ou par des organismes à but non lucratif. Elles ont toutes comme mission de présenter des expositions sur l’histoire des lieux et de leurs occupants, le patrimoine, l’environnement, les sciences ou les arts visuels.

Si quelques-unes de ces maisons sont en fait des monuments architecturaux uniques (Maison des Jésuites de Sillery, Ilôt des Palais de l’époque de Jean Talon) qui justifient à lui seul leur préservation, d’autres ne se démarquent guère par leur architecture ou leur trajectoire historique, n’ont pas été la résidence de célébrité ou quoi que ce soit. Elles ne sont que de beaux exemples de maisons de fermes de leur époque et jouissent d’une localisation qui les rend intéressantes à conserver (maison O’Neill (photo), maison Dorion-Coulombe sur le bord de la rivière St-Charles). C’est donc dans une volonté d’animation culturelle que les villes désormais fusionnées pour donner le Québec de 2015 avaient jadis conservé et mis en valeur ces demeures qui sont donc aujourd’hui, de ce fait, éparpillées sur l’ensemble du territoire, offrant ainsi un réseau de sites d’animation culturelle de proximité dans les banlieues loin des grandes institutions centrales (Musées, etc.). Il est fort probable que si le choix de les restaurer et de les conserver devait être pris aujourd’hui dans une grande ville unique, plusieurs ne passeraient pas le test. Mais comme elles font partie de l’héritage des villes fusionnées (de leur « dot »…), leur avenir est ainsi assuré.

Au total le Répertoire du patrimoine culturel du Québec comprend un peu plus de 32000 entrées dans la catégorie Patrimoine immobilier, et quelques milliers (>2000) de ces sites sont des maisons proprement dites, les autres allants du caveau à légumes aux majestueuses églises tricentenaires et aux bâtiments industriels.

A l’autre bout du spectre, on trouve un nombre considérable de ces maisons dites patrimoniales (ainsi désignées pour des raisons historiques et architecturales (ex. : les maisons Soulard ou Létourneau) qui sont des propriétés privées à part entière. Certaines sont toujours de vraies résidences de famille du milieu, mais un nombre important a été racheté par des urbains fortunés qui les ont transformés en gentilhommières avec Volvo et piscine. Certaines ont aussi pris le rôle de restaurants, auberges, gites et autres variations de l’industrie touristique. Mais ces demeures-là ont toutes comme caractéristiques de n’être initialement que de magnifiques demeures; elles ne sont pas associées à la vie et aux traces d’une personne spécifique. Qui plus est, celles qui deviennent ainsi des lieux de culture, de gastronomie ou de tourisme partagent généralement une caractéristique en propre : ce sont le plus souvent de vastes demeures.

Les maisons associées à une personne connue et dont elles sont le reflet sont moins nombreuses : maison René Lévesque à New Carlisle, maison Alphonse Desjardins à Lévis, maison Cornelius Krieghof à Québec, etc.

Toutes ne sont pas nécessairement animées. Ainsi la maison René Lévesque est une résidence privée, mais un groupe cherche à réaliser une construction d’animation intitulée Espace René Lévesque un peu à la manière de l’espace Félix Leclerc ou, dans une moindre mesure, du Musée de la Mémoire vivante qui, s’il a pris la forme du Manoir de Gaspé, n’a pas cherché à en prendre la couleur exacte.

La maison Krieghof pour sa part n’est pas un lieu visitable. Elle ne contient d’ailleurs aucune trace du peintre qui ne l’a habité que pendant deux ans. Krieghof avait de toute façon une bien piètre opinion des Canadiens français qu’il représentait le plus souvent en boisson ou dans des postures primitives, ce qui de toute évidence plaisait à sa clientèle de bourgeois et de militaires britanniques.

De nos trois exemples, seule la maison Desjardins peut être visitée; elle est la propriété des Caisses Desjardins via la Société historique Alphonse-Desjardins.

Enfin, certaines maisons patrimoniales animées ne sont, comme l’espace René Lévesque, encore que des projets. Ainsi, la Maison Gilles Vigneault de Natashquan, qui se bat depuis plusieurs années pour conserver, rénover et mettre en valeur les maisons du père et du grand-père de l’illustre poète national. Aux dernières nouvelles, une campagne de financement avec un objectif de 500,000$ était lancée auprès du public en général après que le gouvernement eut exigé une somme colossale à la Fondation pour accepter de s’engager… ce qui revient à refuser de s’engager.

    • Le tableau n’est évidemment pas complet et nécessiterait une analyse beaucoup plus fine, mais quelques grandes conclusions semblent déjà émerger
    • Les maisons patrimoniales ouvertes au public sont la propriété de municipalités ou de grandes corporations qui les financent entièrement, les revenus éventuels (entrées, souvenirs, etc.) n’étant qu’un appoint.
    • Les maisons patrimoniales « semi-publiques » (restaurant, auberge, etc.) sont de grandes demeures ou sont situées dans des sites stratégiques (centres des villes et des villages, bord de mer, etc.). De plus, leurs fonctions fluctuent beaucoup avec les aléas de l’industrie touristique ou de la vie personnelle de leurs propriétaires; restaurant un jour, à vendre demain. Ainsi, la survie de leur rôle patrimonial n’est jamais assurée.
    • Les maisons associées à une personne ont de meilleures chances si elles sont situées à proximité des grands centres touristiques et si la personne en question est bien connue du grand public. Ce n’est toutefois pas un gage de succès, car le financement populaire est difficile

La MMB n’est pas la propriété d’un gouvernement et vraiment rien n’indique qu’il y ait ne serait-ce que l’embryon de l’ombre du début d’un intérêt pour qu’elle le devienne un jour. Même la Fondation Fleury, un OSBL culturel et patrimonial du milieu, ne semble pas souhaiter être associé au projet.

La MMB n’est pas une vaste demeure et elle n’est pas située au centre névralgique du village. Son potentiel de transformation un jour en auberge, en B&B ou en café est donc assez restreint.

D’autre part, Médard Bourgault et ses frères glissent lentement mais sûrement hors de l’imaginaire collectif; déjà les moins de 40 ans ne savent guère qui ils étaient, ce qui explique largement le désintérêt des 3 dernières années. Monter une campagne de financement populaire via des outils du genre Kickstarter ou la Ruche dans ces conditions risque de s’avérer très peu efficace.

Mais alors existe-t-il des modèles qui fonctionnent et qui nous ressemblent?

LA particularité qu’il nous faut étudier est la question de la propriété actuelle de la maison. Par exemple, comme elle est encore dans la famille, cela la disqualifie pour des subventions de fonctionnement. Il faut donc trouver des exemples de maisons privées, ouvertes au public et comparer leur fonctionnement au nôtre.

Elles ne sont pas légion. En connaissez-vous?

http://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/patrimoine/maisons.aspx

http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/accueil.do?methode=afficher

http://ici.radio-canada.ca/regions/est-quebec/2014/10/14/010-natashquan-maison-patrimoniale-campagne-financement.shtml

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